A la rencontre de Kiem Pham Van, un ancien combattant

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A la rencontre de Kiem Pham Van, un ancien combattant

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Dans le cadre des ateliers du stage d’été d’I.D.E.E.S., nos jeunes ont travaillé en groupe, puis rédigé un article sur un thème que chaque groupe a choisi. Voici le troisième, sur le thème des anciens combattants.

Pendant le stage d’été, 3 jeunes sevranais se sont intéressés à la vie des anciens combattants. Lundi 13 juillet 2015, ils ont rencontré Kiem Pham Van, un ancien combattant de la seconde guerre mondiale décoré de la Légion d’Honneur.

Une enfance et une adolescence difficile

Nous avons commencé notre interview en lui demandant de nous raconter son parcours d’ancien combattant. Avant de s’engager dans la guerre, il n’a pas eu une enfance et une adolescence facile au Vietnam. Orphelin à l’âge de 5 ans, il travaille à droite à gauche dès le plus jeune âge pour pouvoir survivre. Il garde les enfants plus jeunes, pour ensuite être domestique au sein de sa famille, chez des cousins. Puis, à l’âge de 15 ans, il devient domestique ou valet de chambre chez des Français. De ce fait, il n’a pas eu le privilège d’aller à l’école, qui coûtait beaucoup d’argent. Il nous confie qu’il était très peu payé, qu’il n’était ni nourri, ni habillé par le patron, qu’il pouvait travailler des heures durant. Ça a duré des années. Un jour, il a voulu qu’on lui augmente son salaire pour qu’il puisse vivre dans de meilleures conditions. La femme de son patron lui a répondu que c’était ainsi dans son pays, que s’il veut rester travailler, il peut. Mais que s’il veut partir, beaucoup de gens à l’extérieur attendent après sa place. Il a alors préféré rester plutôt que de se retrouver sans rien.

L’engagement dans la deuxième guerre mondiale

Il se sortira de cette situation au moment où la deuxième guerre mondiale est déclarée. Craignant ne pas retrouver du travail s’il quitte son patron, il va s’engager comme volontaire dans l’armée pour faire la guerre en France. Comme il le dit « Si les choses tournent mal, tant pis. Mourir pour mourir, au moins mourir pour la France.» Il restera au sein de l’armée française pendant 6 ans, dont 4 emprisonné par les allemands. Nous lui avons demandé quel âge il avait au moment de son engagement militaire. Il nous a répondu qu’il avait 22-23 ans (il a aujourd’hui 96 ans sur ses papiers, mais 98 ans en réalité).
Monsieur Pham Van a alors quitté Saigon en avril 1939 pour rejoindre la France. Il arrive à Marseille après 36 jours de voyage, puis prend la direction de la Normandie, où il y a des combats. Malheureusement, son groupe se fera piéger par des allemands. Ces allemands leur racontent que la guerre est finie et qu’ils rentreront chez eux. Ils les feront marcher une dizaine de jours sans les nourrir. Au final, ils se retrouveront prisonniers.
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L’emprisonnement, puis l’évasion

La vie de prisonnier était très dure. Ils étaient des milliers, de toutes origines (marocains, algériens, tunisiens, sénégalais, juifs…). A leur arrivée, ils étaient douchés à coup de canon à eau et leurs affaires étaient désinfectées. On leur attribuait un numéro de matricule aussi. Les prisonniers mangeaient très peu (100g de pain par jour avec une louche de bouillon le midi, une cuillère de saint-doux ou une cuillère à café de miel avec un fond de tisane le soir), et vivaient avec des poux et des punaises. Monsieur Pham Van a passé quelques mois en Allemagne avant de faire des travaux en France : 1 an cultivateur en Bretagne, 1 an à la Roche-sur-Yon pour creuser des tranchées, 2 ans bucheron dans le Jura. Puis, il décide de s’évader.
Nous lui avons demandé comment il avait fait pour s’évader des camps. Son récit nous montre que ça n’a pas été facile et qu’il a fallu qu’il soit très malin. Il était à l’époque cuisinier pour les prisonniers et a utilisé le prétexte des courses pour sortir du camp. Il n’est pas sorti seul. Il était avec un infirmier et il s’est fait passer pour un malade, puis a pris la fuite alors que l’infirmier, qui le couvrait, est revenu sur le camp. Il va se cacher chez des gens avant de repartir le lendemain matin. Là, il décide de prendre un train pour l’est (Besançon, Belfort, Montbéliard) mais il se trompe de train et se retrouve en zone libre, entouré d’allemands. Heureusement pour lui, il tombera sur un contrôleur français et un douanier allemand qui l’aideront à reprendre un train dans la bonne direction, sans que les autres Allemands ne s’en rendent compte. Ils l’ont aidé sachant qu’il était évadé de prison. Mais il leur a aussi raconté une histoire pour expliquer comment il avait atterri dans le mauvais train. Il a pu finalement reprendre un train pour aller où il le désirait, sans se faire repérer.

La libération de Paris

Après son évasion, il fait la connaissance d’une « marraine » de guerre dans le Jura, qui deviendra plus tard sa femme. Il sera logé chez elle pendant un certain temps. Puis, pour protéger cette famille, il décidera de partir. Cacher un prisonnier de guerre était dangereux, toute la famille pouvait être fusillée si les allemands le découvraient. Il va donc partir à Paris. Il travaillera comme domestique ou valet de chambre. Là-bas, il se rend compte que ses patrons sont de la FFI (Forces Françaises de l’Intérieur), un groupe de résistants. A l’époque, le Général de Gaulle avait dit, lors de l’appel du 18 juin, « Nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre ». Il fallait donc que tout le monde, jeunes ou moins jeunes, ingénieurs, ouvriers, industriels, prennent les armes pour défendre la France. Il décide donc de s’engager lui aussi dans la FFI.
Le jour, il travaillait. La nuit, il menait des opérations de sabotage, en risquant sa vie. Il y avait un couvre-feu à 23h, et il ne fallait pas se faire repérer quand il était 1h du matin. Leur cible, c’était les boîtes de nuit, où les soldats allemands s’amusaient beaucoup. Ils lançaient alors des grenades. Ils ont continué à mener des opérations jusqu’à la libération de Paris. Puis, il a continué en menant d’autres opérations dans les villes de l’Est (Mulhouse, Colmar, Épinal, Nancy…) jusqu’à la fin de la guerre.

La vie après la deuxième guerre mondiale

A la fin de la guerre, monsieur Pham Van est parti travailler comme intendant des officiers en Allemagne. Puis, il a appris que la guerre avait éclaté à Ho Chi Minh, au Vietnam. Les vietnamiens demandaient leur indépendance. Il a d’abord hésité entre partir faire la guerre là-bas du côté des français, puis s’y installer pour devenir interprète pour l’armée française, ou rester et finir sa carrière au Sénégal. Il a finalement décidé de se démobiliser, de quitter l’armée. Pour lui, c’est ce qu’il y avait de mieux à faire.
Après cette période, il a travaillé dans les beaux quartiers de Paris en tant que valet de chambre ou cuisinier. Il a d’ailleurs côtoyé de grands acteurs. Puis, il a œuvré en tant que cuisinier pendant 20 ans pour les cantines scolaires de Sevran, et pendant 7 ans dans un centre spécialisé à Villepinte. En 1982, il a pris sa retraite.


En tant qu’ancien combattant, monsieur Pham Van a eu de nombreuses décorations et a même un livre à son nom. C’est de cette façon qu’une personne recherchant d’anciens combattants l’a retrouvé. Cette personne a réussi à joindre le fils de monsieur Pham Van, qui vit à Marseille, et lui a demandé comment contacter son père. Son fils lui a répondu que son père était à Paris, et lui a donné ses coordonnés pour le contacter. Ce monsieur est donc parti à la rencontre de Monsieur Pham Van. En découvrant son parcours, il lui a annoncé qu’il méritait largement de devenir Chevalier de la Légion d’Honneur.
Monsieur Pham Van a été décoré en août 2014. Nous lui avons demandé ce qu’il ressentait face à cette décoration. Il nous a répondu qu’il savait qu’il la méritait, mais qu’il ne s’attendait pas à avoir une aussi haute distinction.

Merci à Monsieur Kiem Pham Van de nous avoir reçu chaleureusement à son domicile. C’était un honneur.

Karim, Sami et Sid Ahmed, encadrés par Hatim.

Source images : http://remue.net (le camp), www.e-leclerc.com (le livre)

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